Avec « Ravage », René Barjavel nous démontre à quel point il était un grand visionnaire doublé d'un lanceur d’alerte étonnamment clairvoyant quant aux dangers du progrès technologique incontrôlé et omnipotent. Ecrit dans les années 40, ce roman d’anticipation apocalyptique prend place, en 2050, dans un Paris hyper-connecté où moyens de transports et de communications sont ultra-automatisés, où viandes, fruits et légumes sont artificiellement « cultivés » dans les sous-sols des immeubles et où les défunts ne sont plus enterrés mais demeurent figés dans des positions « naturelles » au sein même des foyers familiaux ou dans des conservatoires collectifs,… Cette mécanique bien rodée et, en apparence, immuable va pourtant s’effondrer comme un château de cartes suite à un cataclysme privant l’Europe et la ville-lumière de toute source d’énergie. Dans ce chaos, où les instincts les plus vils et barbares resurgissent de toutes parts, François, jeune artiste sans le sou, va s'attacher à survivre avec quelques compagnons et tenter de regagner sa Provence natale pour y retrouver, pense-t-il, une vie plus saine et pastorale. Comment, à la lecture de « Ravage », ne pas penser au scandale de la maladie de la vache folle, aux controverses sur les OGM, à notre dépendance exponentielle aux technologies numériques et robotiques, au détachement grandissant de l’humanité vis-à-vis d'une Nature si fragile ? « Ravage » sonne comme un avertissement, une mise en garde étrangement d’actualité prouvant en cela le génie de Barjavel. Ajoutez à cela le style tout en finesse et en élégance de l’auteur ainsi qu’un narrateur de qualité et vous obtenez un grand moment d’écoute littéraire.